Présentation des plénières

Présentation des plénières 

 

Plénière 1 : Le transnationalisme au prisme de l’Histoire

Discutants : Roger WALDINGER (Department of Sociology - UCLA), Laurent VIDAL (Pr. d’histoire contemporaine - Université de La Rochelle)

Animée par : Yann SCIOLDO-ZÜRCHER (Chargé de recherche CNRS - Centre de recherche français à Jérusalem - Israël)

 Dans l’article « ‘Transnationalisme’ des immigrants et présence du passé », paru à l’occasion du vingtième anniversaire de la Revue européenne des migrations internationales (vol. 22 - n°2 | 2006 ep.23-41), Roger Waldinger présentait les relations que les migrants entretiennent entre leur passé et leur présent, au long de leur expérience migratoire. Il prolonge aujourd’hui sa réflexion sur le temps long au cours duquel les liens transnationaux sont amenés à connaître des évolutions, car le « va-et-vient » identitaire est bien évidemment fluctuant. Comment dès lors prendre en considérations ses évolutions à l’échelle des groupes sinon au cours de l’existence ? Il s’agit donc de réfléchir conjointement « le temps et l’espace » dans les migrations internationales.

 

Titres et résumés de l’intervention :

 Le détachement à l'étranger : un point de vue transfrontalier sur la montée et le déclin des connexions migrants - patrie

Roger WALDINGER

 La perspective transnationale des travaux portant sur les migrations a produit une nouvelle sensibilité, bien nécessaire, en soulignant les connexions existantes entre le lieu de réception et le lieu d'origine. Cependant, cette approche n'a pas encore relevé le défi consistant à comprendre les sources et les types de variations des liens transfrontières produits par les migrations internationales. En se concentrant sur les mouvements internationaux des migrants les plus pauvres, des États en développement vers les démocraties plus riches, cette communication répond à ce challenge. Elle analyse comment les conditions mêmes qui produisent les migrations lient le lieu d'origine avec celui de réception pour ensuite transformer les relations qui unissent les migrants internationaux avec les individus qu’ils ont laissés derrière eux. Comme l'orientation prévaut sur leurs connexions, les migrants et leurs descendants réorientent leurs préoccupations et leurs engagements à l'endroit même où ils vivent, avec pour résultat que leurs interactions, avec les dirigeants comme les gens ordinaires dans la patrie d’origine, conduisent à une réduction des conflits quant aux clivages territoriaux.

 

Plénière 2 :  Travail et globalisation 

Discutants : Alain MORICE (CNRS - URMIS), Lionel RAGOT (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), François ROUBAUD (IRD - DIAL), Marilyne POULAIN (responsable immigration CGT Paris)

Animée par : Florence BOYER (IRD - URMIS)

Depuis plusieurs années un argument démo-économique en faveur des migrations internationales est mis en avant en Europe. En effet, le contexte de vieillissement de la population, qui se traduit notamment par une baisse de la population active, pourrait conduire à des pénuries de main-d’œuvre, auxquelles un appel à l’immigration pourrait pallier. Cependant, dans un contexte de segmentation du marché du travail, une telle approche pose la question de l’adéquation éventuelle entre la demande et l’offre de main d’œuvre qui serait issue de ces mouvements migratoires. Par ailleurs, une telle analyse interroge des politiques migratoires qui se fonderaient sur des logiques uniquement économiques, celles du marché du travail, et non sur des logiques politiques de libre circulation. Les contrats temporaires mis en œuvre par certains pays européens dans le secteur agricole par exemple, en sont l’une des illustrations. À une autre échelle, celle des circulations intra-européennes, d’autres types de contrats temporaires utilisent les différentiels de politique sociale entre les États membres, participants de la construction d’une concurrence dont l’une des conséquences probables est la tendance accrue à un nivellement par le bas de la protection des droits des travailleurs.

À l’inverse, nombre de pays du Sud ont à faire face à un bonus démographique, c’est-à-dire qu’ils disposent d’une main d’œuvre jeune, importante et mieux formée que la génération précédente. Ce bonus démographique est souvent considéré comme l’un des éléments ayant conduit à l’émergence de certains pays d’Asie ou d’Amérique Latine. Cependant, la capacité de ces pays à absorber cette main d’œuvre dépend en grande partie de la mise en œuvre d’un développement économique et social dans un contexte politique stable. Or, les forts taux de croissance économique actuels de nombre de pays africains par exemple, ne semblent pas s’accompagner pour autant d’une hausse des emplois, y compris pour une main-d’œuvre qualifiée ; au contraire, on assiste plutôt à un creusement des inégalités économiques et sociales.

L’objectif de cette table ronde est de mettre en regard ces différents contextes économiques et sociaux, du point de vue du marché du travail, ainsi que leurs enjeux en terme de migration internationale, et de respect des droits des migrants et des travailleurs.

 

Plènière 3 : Mineur(e)s et jeunes en mobilité

Discutants : Hawa BA (Open Society West Africa - Sénégal), Florian AUMOND (CECOJI - UFR Droit et sciences sociales - Université de Poitiers), Marion FRESIA & Andréas VON KANEL (Institut d’ethnologie - Faculté des lettres et sciences humaines - Université de Neuchâtel - Suisse)

Animée par : Nelly ROBIN ((CEPED (Paris Descartes - IRD) - MIGRINTER (CNRS - Université de Poitiers)) & Daniel SENOVILLA HERNANDEZ (CNRS - Université de Poitiers) 

 

Titres des interventions :

Une analyse pluridisciplinaire et multi-située des Mineur(e)s et des Jeunes en mobilité.

Nelly ROBIN & Daniel SENOVILLA HERNANDEZ 

Logiques d'appartenance et équations de l'être et du devenir pour les mineurs sénégalais en migration aux États-Unis.

Hawa BA

Traitement et problématisation de l’enfance dans un contexte de politiques d’encampement et d’action humanitaire en Afrique subsaharienne.

Marion FRESIA & Andréas VON KANEL

La condition des adolescents migrants : l'émergence d'une nouvelle catégorie juridique ? 

Florian AUMOND

Depuis le début des années 2000, le laboratoire Migrinter a initié plusieurs recherches sur la migration indépendante des enfants ; ces travaux ont pour singularité de croiser les disciplines des sciences juridiques et sociales et de placer l’observation tant dans les pays d’accueil que dans les pays d’origine et de transit. (Robin et D. Senovilla)

Parler de mobilité comme cela est proposé dans la plénière sur les Mineur(e)s et jeunes en mobilité permet d’embrasser la multitude des pratiques et des situations vécues par les enfants qui bougent (traite, migration, déplacement, aventure, etc.). Cette ouverture sur la complexité et la diversité de la mobilité des enfants incite à analyser les logiques d’appartenance, notamment pour les mineurs immigrés dans le pays d’origine de leurs parents (H. Ba), et à revisiter la problématique de l’enfance dans un contexte de politiques d’encampement et d’action humanitaire (M. Fresia et A. Vonkanel). Ainsi, la mobilité apparaît aussi pour les enfants comme une stratégie de survie, d’ascension sociale et de construction identitaire. Ces facettes moins connues de la réalité déplacent l’analyse dans de nouveaux lieux, l’Afrique subsaharienne et les États-Unis notamment, et posent la question de l’émergence d'une nouvelle catégorie juridique, les adolescents migrants (F. Aumond). Les mineurs en mobilité sont encore souvent considérés comme un ensemble indifférencié au regard de leur âge. Toutefois, dans le prolongement d'une interrogation plus large sur l'adolescence, se développent depuis peu des réflexions au sein des Nations-Unies portant, sur les adolescents migrants.

 

 Plénière 4 : Genre, intersectionnalité et migrations

Discutants : Mirjana MOROKVASIC (ISP - CNRS-Université de Paris Ouest), Nouria OUALI (Université Libre de Bruxelles)

Animée par : Adelina MIRANDA (Enseignante-chercheuse- MIGRINTER)

 

Titres des interventions : 

Migrations et genre : trajectoires et passerelles.  

Mirjana MOROKVASIC

Migrations et intersectionnalité.

Nouria OUALI

Au cours de ces dernières années, nous avons assisté à une mise en visibilité de la thématique « genre et migrations ». Les publications, les colloques, les séminaires se succèdent et ce champ d’études présente désormais une légitimité académique, comme le montre le nombre de thèses discutées. Cette plénière propose de dresser un bilan sur la rencontre entre les recherches sur le genre et celles sur les migrations et de prolonger cette réflexion à partir des apports récents de l’approche intersectionnelle.

Lorsqu’au cours des années 1970, les études sur les migrations ont abordé la question des femmes, elles se sont basées sur une représentation androcentrique, évolutionniste et ethnocentrique du phénomène. Deux démarches critiques ont contribué à déconstruire cette vision paradigmatique. D’une part, la mise en crise du modèle « émigration-immigration-assimilation » a ouvert des champs d’études qui ont constaté les « connexions en mouvements » que les migrant.e.s créent au-delà des frontières nationales entre institutions, pratiques et représentations. L’analyse des enchevêtrements entre lieux, identités, cultures et économies a révélé la composition hétérogène des processus migratoires disposés entre les niveaux local, national et international. D’autre part, les questionnements féministes ont contribué à rendre visibles les femmes sur la scène migratoire en induisant les chercheurs à interroger le biais sexué à la base des catégories interprétatives. L’adoption d’une perspective de genre n’a pas simplement dévoilé la « partie cachée » des migrations pour savoir si les femmes migrent « comme », « plus » ou « moins » que les hommes : elle a ouvert des pistes et des perspectives d’investigations nouvelles. La prise en compte des dispositions combinatoires entre les sphères reproductive et productive dans les expériences migratoires féminines a renouvelé et/ou donné une nouvelle visibilité à certaines problématiques ignorées dans le passé, comme celle de la famille, de la division internationale du travail du care, du Welfare state, de l’agency, de la vieillesse, du choix du conjoint, de la sexualité, du développement, des mobilités sud-sud, de l’exil, des mouvements sociaux, des affects. La perspective de genre a également stimulé un regard comparatif entre hommes et femmes migrant.e.s ainsi qu’entre femmes  migrantes  et non migrantes. De plus, la collaboration interdisciplinaire a permis de repenser les catégories euro-américaines-centrées qui ont été longtemps mobilisées dans les études classiques sur les migrations. En ôtant le caractère exceptionnel attribué aux migrations féminines, les études « genre et migrations » ont contribué à déconstruire un des paradigmes à la base des sciences sociales associant le couple masculin/féminin à l’opposition mobilité/sédentarité.

L’intersectionnalité offre une nouvelle perspective pour étudier ces questionnements. En mettant en relation le racisme, le sexisme et le capitalisme, elle démontre que les dispositifs de domination, imbriqués, produisent et reproduisent les conditions de domination à travers des effets cumulatifs ou multiplicatifs ; de plus, elle éclaircit le caractère relationnel et contextualisé des formes de domination. De ce fait, il s’agit de comprendre les formes et les modalités d’imbrication entre dominations et privilèges traversant les expériences migratoires ;  comment les sujets migrants, produits par les structures socio-économiques et culturelles, orientent leurs choix ; comment les intersections traversent l’agir des migrant.e.s. Réarticuler le débat sur les migrations à partir des propositions épistémologiques et théoriques qui s’inspirent de l’intersectionnalité  permet d’avancer autour de nombreuses questions. Nous en retiendrons trois : Comment les agencements qui se créent entre/dans les rapports sociaux de sexe, de classe et de race jouent entre/dans les différentes échelles migratoires ? Pouvons-nous intégrer la migration comme un axe discriminant qui traverse les autres axes de domination (classe, ethnie, genre, sexualité, religion) ? L’analyse de ces intersections permettrait-elle de regarder les situations migratoires comme étant intégrées dans des systèmes de hiérarchisation variables et réversibles ?

 

Plénière 5 : Us et abus de la gouvernance des migrations : le droit des États contre le droit des personnes 

Discutants : Catherine WIHTOL DE WENDEN (Directrice de recherche au CNRS - CERI) & Eduardo Javier RUIZ VIEYTEZ (Directeur de l’Institut des Droits de l’Homme - Pr. de droit constitutionnel - Université de Deusto - Espagne)

Animée par : Thomas LACROIX (CNRS - MIGRINTER)

La crise des réfugiés met en lumière l'incapacité des pouvoirs publics à administrer de manière directive les flux migratoires. L'objectif de cette plénière est de permettre une meilleure compréhension des limites des instruments politiques et juridiques mobilisés par les États pour la gestion des flux migratoires. Les discussions aborderont notamment les contradictions entre deux régimes de droit : la loi produite par des États souverains d'une part et les Droits de l'Homme d'autre part, mais aussi entre une règle produite dans un cadre national pour faire face à un phénomène par essence transnational.

 

Titres et résumés des interventions :

Le droit des États contre le droit des personnes ?

Eduardo Javier RUIZ VIEYTEZ

This presentation pretends to challenge the role of Law as a regulatory instrument for migration flows. Law has been traditionally perceived as an instrument for alternative dispute resolution, as well as a legitimating and cultural product in itself. However, it is also very much attached to the State as political sovereign entity. Thus, the relation between Law and complex social realities such as migration generates a number of tensions or contradictions. These contradictions can be understood, from one possible perspective, as a tension between state and human rights. At the present moment we see this dramatic tension when the legal order, both international and domestic, confronts with migration or refugee crisis. 

Cette présentation a pour ambition de questionner le rôle de la loi comme instrument de régulation des flux migratoires. La loi est traditionnellement perçue tant comme un outil résolution des conflits que comme un construit culturel ou encore comme instrument de légitimation. Cependant, elle est en elle-même liée à l'État comme entité politique souveraine. Ainsi, les relations entre la loi et les réalités sociales complexes telles que les migrations internationales sont génératrices de tensions et de contradictions. Ces contradictions peuvent être comprises, selon une perspective possible, comme une tension entre le droit des États et les droits de l'Homme. On observe aujourd'hui cette tension éclater dans la confrontation entre des ordres juridiques nationaux et internationaux d'une part, et la crise des migrants de l'autre.

Us et abus de la gouvernance européenne des migrations

Catherine WIHTOL DE WENDEN

La gouvernance des migrations, telle qu'elle est définie à l'échelle mondiale, ne prend pas en compte les interdépendances des relations internationales, ni les droits de l'homme de façon globale. Ainsi, des interventions militaires dans des pays fragiles ont provoqué, depuis ces 20 dernières années, des millions de réfugiés vers d'autres pays que ceux qui sont intervenus ; de même, la fixation des prix mondiaux de matières premières peut avoir des conséquences considérables sur la vie quotidienne des producteurs du sud, forcés à la migration (coton, café...). Enfin, les contradictions entre le libéralisme économique et l'approche sécuritaire, nationale, régionale et globale des États sont légion, de même que la faible prise compte du droit à la mobilité alors que les rapports d'experts ont montré qu'elle était un facteur essentiel du développement humain tandis que : les deux tiers de la population de la planète ne peuvent circuler librement. Ainsi, de nombreux migrants ont beaucoup moins de droits que ceux qui sont sédentaires et demeurent dans des situations de sans droits : sans papiers, déboutés du droit d'asile, déplacés environnementaux, apatrides sans aucune prise en compte de leur statut dans la gouvernance globale des migrations.

 

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