Présentation des ateliers > Panel 2a : (Re)tracer les parcours de vie (2)

Panel 2a : Parcours de vie 2

Animé par : Christophe IMBERT & Isabelle André POYAUD

 

Jouer avec la structuration des espaces de prise de parole et la confidentialité : Un retour réflexif sur l’intérêt de combiner des méthodes et des sources d’informations

Lucie LAPLACE (Doctorante en science politique - Université Lumière Lyon 2)

L’objectif de cette communication est d’opérer un retour réflexif sur les méthodes adoptées afin de récolter des informations sur les trajectoires de vie de réfugiés, bénéficiaires de politiques humanitaires, dans la ville de Cuenca (Équateur). L’infiltration des acteurs armés du conflit colombien sur le territoire national de son voisin équatorien conduit ces migrants à mettre en œuvre une autocensure pour éviter de voir leur sécurité menacée. Les structures de l’aide humanitaire (OI, ONG, associations locales) confortent les réfugiés dans cette limitation de la diffusion d’informations personnelles. Parallèlement dans le cadre de leurs missions, celles-ci leur proposent des espaces individuels et/ou collectifs de libération partielle et contrainte de la parole.

Notre travail de thèse s’intéresse à l’impact des politiques humanitaires sur l’évolution des rôles sociaux des réfugiés colombiens. Cette analyse nécessite la combinaison de plusieurs méthodes et sources d’informations, provenant d’espaces différenciés, afin de mettre à jour leurs parcours. Les sources utilisées sont des observations de réunions, des entretiens individuels et collectifs, l’utilisation de ressources institutionnelles, des entretiens avec des salariés des structures de l’aide. Les méthodes adoptées sont l’observation ethnographique, l’entretien semi-directif, que l’on confronte aux documents produits par les structures de l’aide.

La chercheuse, faisant face aux réticences liées à la divulgation des parcours des réfugiés, se doit d’appréhender les mécanismes d’autocensure de ces populations ainsi que l’impératif du secret professionnel au sein des structures de l’aide. En déconstruisant ces politiques de confidentialité qui expliquent certaines difficultés d’accès au terrain, il semble nécessaire d’interroger la structuration des espaces de parole ayant contraintes institutionnelles variables. Puisqu’il s’agit de retracer des parcours individuels, il convient de combiner, au travers des méthodes exposées, différentes sources d’informations recueillies dans des espaces institutionnels ou plus informels.

 

Le parcours migratoire de la langue portugaise au sein de la « communauté portugaise » à Montréal

Fabio SCETTI (Université Paris Descartes – CEPED) 

Notre communication s’inscrit dans la thématique des parcours migratoires, notion plurielle que nous avons voulu questionner soit du point de vue méthodologique, soit du point de vue de l’analyse.

Dans le cadre d’une enquête ethnographique qui s’inscrit au sein d’une étude en sociolinguistique sur les pratiques langagières et la relation entre langue et identité au sein de la « communauté portugaise » de Montréal, nous présentons l’histoire du parcours des Portugais jusqu’à la métropole québécoise ainsi que le parcours de la langue portugaise jusqu’à nos jours ; comment elle continue de se transmettre de génération en génération au sein du groupe.

Notre recherche de terrain, qui s’est réalisée en 2011 et 2014, a été préparée autour d’une méthodologie multiple. Des questionnaires, des observations et des entretiens ont été conduits et ont permis une analyse diversifiée des pratiques langagières au sein de la « communauté », ainsi que des représentations, conséquences de ses pratiques. En considérant le contexte montréalais comme particulier en matière de politiques linguistiques, d’éducation et d’intégration, notre questionnement s’est ouvert sur l’importance de la langue portugaise au sein du groupe, et sur son rôle de « lingua franca ».

Cette enquête ethnographique nous a permis, tout d’abord de questionner le parcours et les dynamiques sociales en relation avec l’identité ethnolinguistique du groupe, dont la langue portugaise serait marqueur d’identité, et ensuite de questionner le positionnement de l’enquêteur sur le terrain, témoin d’histoires singulières et parfois similaires, mais aussi dans sa position de chercheur : son parcours personnel, sa motivation et son propre parcours migratoire, en tant que « montréalais » et vivant au sein du quartier portugais pendant presque une année. 

 

Comment (se) raconter en terrain miné ? Expérimentations de situations créatives d’énonciation entre demandeurs d’asile, artistes et géographes

Sarah MEKDJIAN (Enseignante-chercheuse - Université Grenoble Alpes)

Les personnes qui demandent l’asile dans les pays signataires de la Convention de Genève (1951), dont fait partie la France, demandent à être reconnues juridiquement comme « réfugiés », statut qui ouvre des droits. Cette reconnaissance dépend d’une série d’épreuves narratives individuelles, écrites et orales, adressées aux administrations et juridictions en charge du droit d’asile (Kobelinksy, 2007 ; Akoka, 2011 ; Fassin, Kobelinsky, 2012). Les juges et agents administratifs doivent statuer sur le bien-fondé de la demande, la crédibilité, la vérifiabilité de l’histoire -étayée, si possible par des preuves-, et sur sa conformité avec la définition statutaire du réfugié.

Cette procédure a lieu dans un contexte politique de suspicion. Ainsi, les demandeurs d’asile sont constamment soupçonnés de « manipuler » leurs juges, en « inventant » des histoires. Cette accusation de tromperie et de « mensonge » intervient, alors même que les juges attendent une mise en conformité narrative. En plus de cette contradiction fondamentale, les juges font reposer leur appréciation sur une conception de l’acte narratif contestable. Le « bon » récit doit être cohérent et si possible linéaire, niant ainsi le travail complexe de la mémoire, de l’inconscient, et de l’acte narratif même, qui procède nécessairement d’un montage d’histoires fictives et référentielles (Ricœur, 1985).

Dans ce contexte de suspicion et de normalisation, au service de l’exclusion du droit d’asile, la question de Gayatri Spivak (1988) : Can the subaltern speak ? [Les subalternes peuvent-elles.ils parler ?] résonne particulièrement.

Cette question dépasse le cadre des procédures administratives, pour concerner également les méthodes narratives utilisées en sciences sociales. Alors que la recherche en sciences sociales qui porte sur les parcours migratoires repose, en grande partie, sur des méthodologies narratives, dans quelles conditions est-il encore possible de demander aux réfugiés et demandeurs d’asile de « se raconter », sans reconduire la violence symbolique des administrations ?

C’est pour tenter de répondre à cette question que nous, demandeurs d’asile grenoblois.es, artistes et chercheuse en géographie, avons tenté d’explorer des méthodes relationnelles et des situations d’énonciation créatives.

Je propose dans cette communication de revenir sur ces expérimentations, qui ont consisté à (1) élaborer un langage discursif, visuel et symbolique commun, (2) cartographier plutôt qu’à raconter des fragments de souvenirs, (3) inverser la relation enquêteurs/enquêté.e.s.

Ce travail s’inscrit, en premier lieu, dans une recherche sur l’éthique des méthodologies scientifiques et des pratiques artistiques. Ensuite, du point de vue des connaissances produites, nous avons moins cherché à connaître le détail spatio-temporel de parcours migratoires, que de tenter de suivre le travail de la mémoire. Enfin, ce travail répond à une ambition politique : rompre avec les situations d’énonciation produites par les administrations vise à mettre en acte une hospitalité et une confiance, par ailleurs si difficiles à construire. 

 

Interroger les parcours et trajectoires individuels pour comprendre l’espace relationnel des migrants ou reconfigurations de l’espace migratoire par les parcours et trajectoires individuels

Naïk MIRET (Enseignante-chercheuse - MIGRINTER) & Céline BERGEON (Enseignante-chercheuse - MIGRINTER)

La présente communication envisage de mobiliser un corpus d’entretiens issu du programme de recherche international, Cimore « Circulations Mobilités espace relationnel des migrants ». L’objectif de ce programme est d’appréhender les dynamiques spatiales induites en Méditerranée par les mobilités et circulations inscrites dans le temps long des générations migratoires, des familles et des contextes régionaux bouleversés dans les années 2000 par des crises politiques et/ou économiques.

Ce corpus a été produit dans le cadre de trois terrains de recherche à visée exploratoire destinés à collecter de façon croisée des informations relevant de deux approches scientifiques habituellement dissociées pour observer les pratiques de circulation, l’analyse des pratiques des acteurs et celle de l’évolution des espaces. Dans le cadre de ce dispositif multisitué, des entretiens biographiques conçus sur la même trame ont été menés à Valence, Tunis et Beyrouth auprès de populations choisies pour leur intérêt dans la compréhension des circulations méditerranéennes. À travers l’analyse croisée de deux entretiens dans chacune de ces villes, la communication s’attachera à évaluer l’efficacité du dispositif mis en place pour comprendre le rôle des migrants et leurs entourages dans la recomposition des lieux à différentes échelles spatiales et temporelles. Pour cela, chaque parcours singulier (réfugiés syriens, travailleuses domestiques au Liban, anciens et récents migrants à Valence, jeunes étudiants ouest-africains et réfugiés de Tunis) sera analysé en termes d’itinéraires migratoires, de trajectoires sociales individuelles et intergénérationnelles, tout en considérant les effets des contextes locaux (économiques, politiques et juridiques) et les usages/perceptions des lieux pratiqués au cours d’une vie. 

 

 

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