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Panel 3a : Immigration et syndicalisme

Animé par : Antoine DUMONT & Marie-Antoinette HILY

 

Les syndicats néo-brunswickois face à la problématique des travailleurs étrangers temporaires dans l’industrie de transformation des fruits de mer

Leyla SALL (Pr. de sociologie - Université de Moncton - Nouveau-Brunswick - Canada)

Le Nouveau-Brunswick, province aux taux de chômage parmi les plus élevés au Canada (11% alors que la moyenne canadienne est de 7%) a pourtant recourt à des travailleurs étrangers temporaires pour combler le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs de son marché du travail comme l’agriculture, le conditionnement de volailles dans les poulaillers et surtout dans ses usines de transformations de fruits de mer. Une telle situation qualifiée de paradoxale par le gouvernement fédéral semble irriter ce dernier qui a décidé d’agir énergiquement pour la corriger.

Pour ce faire, des réformes sont introduites à la fois dans le système de l’assurance emploi et dans le programme des travailleurs étrangers temporaires (à l’exception du programme des travailleurs étrangers temporaires dans le secteur agricole). Ces dernières s’appuient sur une philosophie néolibérale visant à discipliner et à responsabiliser les résidents et citoyens canadiens qui doivent tous être « d’honnêtes travailleurs » capables de se prendre en charge et de considérer désormais le travail, unilatéralement, sous sa dimension instrumentale.

Quant aux syndicats de la province, regroupés au sein de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick, ils sont pris dans une logique assez schizophrénique. Craignant une concurrence déloyale de la part des travailleurs étrangers temporaires, ils sont contre les programmes de recrutement d’une main-d’œuvre étrangère. Toutefois, ils craignent le développement de discours d’exclusions et souhaitent défendre en même temps tous les travailleurs étrangers ou citoyens canadiens. Pour sortir d’une telle impasse, ils proposent aux Gouvernements fédéral et provincial d’œuvrer pour une augmentation des salaires et une amélioration des conditions de travail afin de rendre les emplois attractifs pour les jeunes néo-brunswickois qui n’en veulent pas. Ils tentent aussi de défendre les travailleurs étrangers temporaires déjà sur place en dénonçant les potentiels abus et exploitations dont ils seraient victimes. 

Ce papier vise à explorer, d’un point de vue sociologique la position schizophrénique à laquelle sont confrontés les syndicats dès qu’il s’agit de se positionner par rapport à la main-d’œuvre étrangère. Au-delà, il explore le malaise des organisations syndicales dans un contexte d’extrême segmentation du marché du travail aux niveaux local et global à la fois.

 

Les débats de régularisation dans l’industrie du vêtement turc

Didem DANIŞ (Associate Professor in Sociology - Galatasaray University - Turkey)

Cette communication vise à analyser les positions des différents acteurs, tels que les propriétaires des ateliers de confection, des représentants des syndicats et des représentants des marques de prêt-à-porter internationales sur les débats de régularisation de main-d'œuvre étrangère en Turquie, en utilisant les entretiens que nous avons faits à Istanbul en 2015.

Le secteur de textile est un élément important de la mondialisation de l'économie du pays, depuis assez longtemps. La fabrication des vêtements est principalement faite pour les marchés étrangers, en particulier les marques européennes de « fast fashion ». Le même secteur est également celui où les conditions de travail et le statut de la main-d'œuvre sont plus précaires. Le travail informel, à savoir l'emploi des ouvriers sans sécurité sociale avec des salaires très bas, est surtout prévalent dans les petits ateliers de 10 à 40 employés. C’est la raison pour laquelle ces ateliers sont appelés en turc "merdivenaltı atölyeler" (littéralement, sweatshops sous l'escalier). Des recherches antérieures ont montré que dans le secteur de textile et de confection, le rang le plus bas de la hiérarchie du travail est la plupart du temps rempli par les populations urbaines pauvres, principalement celles d'origine immigrée, qu'ils soient migrants internes, comme dans le cas des migrants kurdes déplacés internes dans les années 1990, ou international, comme dans le cas des Azéris dans les années 2000, ou Syriens aujourd'hui (Dedeoglu 2011 ; Toksoz 2012 ; Senses 2015).

En Turquie, les syndicats spécialisés dans l'industrie du textile et de confection sont très faibles et très peu de travailleurs sont syndiqués. Les syndicats sont donc impuissants dans les processus de prise de décisions politiques. Actuellement, les acteurs qui sont les plus influents sur les conditions de travail sont les représentants locaux des marques internationales et les ONGI tels que Fair Labor Association, dont les efforts aident à protéger les droits des travailleurs et améliorent leurs conditions de travail d'une manière plus efficace que les syndicats.

 

Koreatown Immigrant Workers Alliance (KIWA) in Los Angeles

Davide GNES (PhD Candidate - University of Amsterdam - Amsterdam Institute for Social Science Research - Netherlands)

In this paper I argue that immigrant political organizations are constantly facing legitimacy dilemmas in the context in which they operate. Organizational responses to such dilemmas not only shape organizational narratives and practices, but also the relation between the organization and their immigrant membership and constituency. Building on theories of organizational legitimacy, I plan to analyze the trajectory of the Koreatown Immigrant Workers Alliance (KIWA), an immigrant-led advocacy organization located in Los Angeles, California. Through the study of the organization’s internal archives and through interviews with current and former staff, I outline KIWA’s transition from a quasi-labor union to a community-based organization as it took place in the mid-2000s. In the wake of a major campaign failure in 2003, which sparked a period of heated internal discussion but also nearly bankrupted the organization, KIWA decided to change the bases of its legitimacy, both at the discursive level – moving away from contentious politics to embrace institutional politics – and at the material level – shifting from the support of activists, volunteers and labor unions to that of professional advocacy organizations and philanthropic foundations. In analyzing the legitimating dilemma as experienced by its main protagonists, I seek to shed light on two different processes, largely neglected by the literature on legitimacy: how internal power dynamics affect organizational decision-making, particularly when external shocks unfold; and how imperatives of survival may drive organizations away from the original mission and purposes for which they were established. 

 

L’absence d’engagement syndical comme moyen d’identification et de reconnaissance d’appartenance à la même catégorie professionnelle ? Les médecins à diplôme européen et extra européen en France 

Francesca SIRNA (Chargée de recherche CNRS – URMIS - Université de Nice)

La France, particulièrement depuis le XIXe siècle, a drainé des travailleurs d’origines diverses (Afrique, Asie, Europe) partis de leur pays d’origine au gré des soubresauts sociaux, économiques et politiques de celui-ci. Les migrants participent ainsi depuis plusieurs décennies à la reconfiguration continue du travail marqué par la précarisation de l’emploi (Paugam, 2000) et « la montée des incertitudes » (Castel, 2003) dont ils font l’expérience souvent de façon brutale, et bien avant les populations françaises elles-mêmes (Merckling, 1998 ; Morice et Potot, 2010). Bien qu’elles concentrent la grande majorité des immigrés, les catégories socioprofessionnelles les moins qualifiées ne sont pas les seules concernées par les mobilités internationales de travailleurs. Depuis les années 1990 notamment, les flux internationaux de migrants hautement qualifiés ne cessent de s’accroître à la faveur de la régulation de l’accueil et le travail des migrants selon leur pays d’origine et leurs compétences adaptées aux besoins en main-d’œuvre des pays d’accueil.

En France, les institutions de l'État social connaissent un processus de privatisations - accompagné de gestion managériale et d'impératifs de productivité- qui s’impose, non sans résistances, aux structures relevant du service public (Gabarro, 2012 ; Le Gall, 2014 ; Lefevre, 2011). Dans le domaine de la santé plus particulièrement, plusieurs travaux empiriques décrivent les logiques néolibérales à l’œuvre dans les réformes de la santé et de l’assurance maladie, leurs effets sur l’organisation hospitalière ainsi que sur les professionnels (Belorgey, 2011 ; Posse, 1997 ; Pierru, 2007).

Nous proposons d’analyser quelques évolutions du système hospitalier français en adoptant un point de vue original : l’exercice de la profession médicale par les médecins étrangers et/ou à diplôme étranger. Nous nous attacherons d’abord à décrire les modalités de mise au travail des médecins étrangers et/ou à diplôme étranger. Dans un second temps, nous nous intéresserons aux stratégies d’intégration professionnelle mises en œuvre par ces médecins. Ces stratégies sont à analyser comme redéfinissant les procédures de leur reconnaissance en tant que professionnel : ainsi l’absence de revendications et d’engagement syndical serait un moyen d’identification à/d’acceptation par cette catégorie professionnelle dont l’éthos semblerait accepté et jamais contesté. Nous conclurons en interrogeant la division du travail médical comme influencée par l’ethnicisation des rapports entre les membres de la profession. 

 

 

 

 

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