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Panel 2c : Le Maghreb hier et aujourd’hui

Animé par : Fathallah DAGHMI

 

Des réussites invisibles ? Migrations marocaines mondialisées et parcours de promotion sociale

Michel PERALDI (Anthropologue - CADIS - CNRS) 

Avec plus de quatre millions de migrants, désormais répartis sur à peu près tous les continents, la migration marocaine est l’exemple emblématique de ces processus par lesquels les migrations ouvrières fordistes se sont transformées, socialement et économiquement, selon ce qu’on définira comme une double logique de « privatisation » et de mondialisation. Au bout de parcours migratoires multiples et multiscalaires, aboutissant à des formes de mobilité plus que d’exil, l’éventail des figures nouvelles de la migration marocaine met en évidence des destins contrastés, entre la précarité apparente des « forçats » de l’agriculture extensive et la réussite, apparente elle aussi, d’entrepreneurs qui font de leur mobilité transnationale un atout stratégique. Dans cette communication, nous tenterons de dresser une typologie analytique de ces nouvelles figures de la migration marocaines et dans un deuxième temps nous nous interrogerons sur les institutions qui, au Maroc, prétendent à la représentation de cette migration et oeuvrent à la « reterritorialisation » du capital social acquis par les minorités diasporisées en migration.

 

Politiques migratoires et discours religieux au Maroc. La naissance d'une théo-sociologie de la migration

Sophie BAVA (Anthropologue - IRD/LED/UIR)

Avec le renforcement des frontières de l’Europe depuis une quinzaine d’années, et faute de réelles politiques migratoires impulsées par les États du Sud mis à part la toute nouvelle politique de régularisation menée par le Maroc depuis 2013, les migrants venus d’Afrique subsaharienne s’installent de manière plus pérenne dans les pays d'Afrique méditerranéenne. De nombreuses instances religieuses ou d'origine confessionnelle s'organisent sur ces routes afin en outre, de faciliter l’accueil, la formation et l'accompagnement social et spirituel des migrants venus d’Afrique subsaharienne. Ce marché religieux s’appuie sur un fait incontournable : de manière générale, durant la migration, la foi et les pratiques religieuses se renforcent, s'ancrent ou trouvent parfois de nouvelles directions. Face au défaut de reconnaissance juridique, aux discriminations vécues au quotidien, aux difficultés économiques dans les pays d’accueil, la reconnaissance passe souvent par les communautés religieuses, des communautés de sens sur les routes de la migration. Dans la continuité des travaux que j'ai pu mener au croisement entre migrations et religions entre Afrique de l'Ouest et monde arabe, je présenterai dans cette communication une autre forme de construction religieuse liée à la migration en abordant la manière dont les leaders religieux chrétiens au Maroc mobilisent l'actualité migratoire tant dans leurs actions, que dans leurs discours autour de la fabrication d'une véritable socio-théologie des migrations.

 

Sur les traces des migrants non-documentés tunisiens : entre contraintes et opportunités

Monika SALZBRUNN, Farida SOUIAH & Simon MASTRANGELO (ISSRC/Université de Lausanne - Suisse)

Un parcours migratoire n’est pas toujours linéaire ; il peut impliquer des détours, des arrêts et parfois des allers-retours. Il est loin d’être aisé de saisir une trajectoire migratoire et les facteurs qui la déterminent, tant ceux-ci peuvent s’avérer complexes et multiformes. Dans le programme de recherche « Undocumented Mobility (Tunisia-Switzerland) and Digital-Cultural Resources after the “Arab Spring” », une large palette d’outils est mobilisée pour récolter les indices de ces parcours de vie. Des entretiens, des échanges informels et des observations multisituées sont menés en Tunisie, en Italie et en Suisse. L’ethnographie digitale permet d’enrichir les matériaux récoltés. En croisant les représentations de la harga qui circulent sur le terrain ethnographique avec celles observées sur Internet, de nouvelles perspectives s'ouvrent : les échanges en ligne sur Facebook avec les interlocuteurs rencontrés sur le terrain, de même que l’analyse de leurs publications, aident à mieux comprendre et restituer leur parcours. Cette communication abordera notamment les défis méthodologiques et éthiques liés à l’usage de ces outils innovants.

Afin d’analyser les trajectoires et les étapes des parcours migratoires, et de rendre compte de leur multiplicité, le concept d’opportunity structures est pertinent. Bien que chaque parcours migratoire soit individualisé, la trajectoire est aussi reliée à des dynamiques collectives. Il est nécessaire de prendre en compte le contexte familial et spatial (quartiers, trajets envisagés ou réalisés selon les opportunités, etc.), mais aussi politique et économique. Les migrants n’ont pas toujours de destination finale à l’esprit au moment où ils entament leur voyage. Pour ceux qui ont un projet migratoire plus précis, la destination peut évoluer. Les parcours migratoires sont évolutifs et se situent dans une dynamique constante, qui est en grande partie conditionnée par les opportunités qui se présentent aux migrants et par la manière dont ils s’en emparent (agency).

 

Les migrations dans l’Empire ottoman : cas des Algériens durant la colonisation française (1830-1914)

Salma HARGAL (Doctorante en histoire -Université Lumière Lyon II)

La conquête française de l’Algérie a poussé de nombreux colonisés à quitter leur terre natale pour s’installer dans les pays voisins. Durant la première phase de la colonisation ou celle qui précède l’extension du régime civil en 1871, plus de 4000 Algériens ont émigré vers l’Empire ottoman dans des vagues successives en 1836, 1849, 1860 et 1870. L’installation dans les provinces de l’ancienne puissance suzeraine, aurait révélé un refus de se soumettre à l’autorité coloniale française dans la mesure où elle a souvent fait suite aux violences qui ont accompagné la conquête de l’Algérie (défaite du Bey Ahmet en 1837, la reddition de l’émir Abdelkader en 1847...). Cependant, l’étude comparatiste des archives françaises et ottomanes que j’entreprends dans le cadre de ma thèse révèle l’importance relative des migrations économiques. En effet, les travaux des historiens de l’Algérie coloniale montrent comment de nombreux ruraux Algériens se sont retrouvés dépourvus de terres lors du mouvement de titrisation et du début de la spéculation sur les propriétés usufruitières. Durant cette période, l’Empire ottoman menait une grande politique d’octroi des terres non cultivées aux migrants afin de tourner son agriculture vers l’exportation. Ces développements parallèles et concomitants auraient engendré une dynamique migratoire des ruraux de l’Algérie coloniale vers l’Empire ottoman (Grande Syrie et Anatolie). Comment les guerres et le changement des structures économiques induits par la colonisation ont-ils engendré des flux de migrations algériennes vers l’Empire ottoman ? Les fonds des Archives nationales d’outre-mer (ANOM) permettent de quantifier les mouvements de départs vers l’Empire ottoman. Quant aux Archives des Postes, ils offrent des informations sur les causes des départs ainsi que l’installation de ces migrants dans l’Empire tandis que les archives ottomanes délivrent des informations précises sur l’octroi des terres par la Porte. La majorité des travaux (Bardin 1979, Ageron 1967, Kateb 1998...) réalisés sont restés tributaires des archives françaises. Or la confrontation avec les archives ottomanes et les récits des migrants permettent de dégager avec plus de précision, les différentes catégories de flux de migrations des Algériens vers les provinces de la Porte durant la première phase de la colonisation. 

 

 

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