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Panel 5a : Conforter, redéfinir ou contester le politique

Animé par : Davide GNES & Céline CANTAT

 

Im/mobilisations - migrants face à la détention, l'incarcération et la déportation en France et aux États-Unis

Carolina SANCHEZ BOE ( Post doctorante - Université de Aalborg Copenhague - Danemark) 

Cette présentation aborde les formes de mobilisation contre la mise en œuvre de détention et déportation de la part de migrants qui ont perdu leur statut légal et ont reçu une obligation à quitter le territoire. Elle se fonde sur une recherche comparative menée dans le cadre d'une thèse de doctorat de la trajectoire d'étrangers qui ont été incarcérés dans les régions de Paris et de New York. 

Au cours des quatre décennies passées, de nombreuses personnes de nationalité étrangère en France et aux États-Unis ont perdu leur statut légal et ont été incarcérées pour avoir violé la législation sur l'immigration, sur la lutte contre le terrorisme ou pour avoir commis un délit. Au-delà des points communs entre les deux situations, cette analyse comparée met en évidence les différences de réponses possibles, que ce soit dans les stratégies individuelles ou collectives, des migrants confrontés au système judiciaire des deux pays. Les effets des législations et des pratiques de reconduites à la frontière par les acteurs institutionnels (forces de police, administration en charge de l'immigration, administration pénitentiaire) contribue à informer les expériences quotidiennes des migrants et donc leurs possibilités militantes.

 

De la contestation à la consolidation des politiques de sécurité frontalière ? Le cas des ONG de défense des droits des migrants

Damien SIMONNEAU (Docteur en science politique au Centre Émile Durkheim - Sciences Po Bordeaux)

La signification de la sécurité est fluide et perméable. La reformuler implique de fournir des conceptions alternatives aux valeurs dominantes d’une société (Balzacq 2015). Dès lors, un dilemme existe pour les acteurs contestant les politiques de sécurité frontalière. En maquillant la sécurité frontalière d’un vernis humanitaire, ils contribueraient à renforcer le régime sécuritaire en place, car la contestation frontale de ces pratiques de sécurité risque de les marginaliser. Notre communication entend entrer dans ce dilemme. Nous présentons et discutons un projet de recherche futur qui vise à comparer le rôle d’ONG défendant les droits des migrants, et plus précisément, leur rôle dans la consolidation des régimes répressifs de sécurité frontalière. Il s’agit par exemple en Europe de l’Anafé et de La Cimade, aux États-Unis des Tucsons Samaritans et de No more Deaths, en Israël de la Hotline for Refugees and Migrants. Comment ces ONG défendent les droits des migrants ? Comment contestent-elles les pratiques et politiques de sécurité frontalière ? Comment reformulent-elles les enjeux de sécurité ? En guise d’enquête exploratoire, nous examinons les discours et les contre-cadrages des situations de mobilité que ces ONG diffusent dans leurs débats publics nationaux, puis nous répertorions leurs modes d’action. Nous entendons susciter des hypothèses de recherche et soulever les enjeux éthiques et méthodologiques pour accéder aux actions de contestation et représentations des mesures de sécurité frontalière par ces acteurs. La thématique de la contestation des politiques de sécurité frontalière est appréhendée par les filtres des études critiques de sécurité et la sociologie des mouvements sociaux. 

 

Faire campagne et être élu à l’étranger : les circonscriptions extraterritoriales tunisiennes en 2011 et 2014

Thibaut JAULIN (Chargé de recherche - Sciences Po - CERI)

Cette proposition de communication porte l’attention sur un objet de recherche original et encore peu étudié : les députés « de l’étranger » et les circonscriptions « extraterritoriales ». À partir du cas de la Tunisie, elle a pour ambition de comprendre : d’une part, dans quelle mesure les élections « à distance » contribuent à la reproduction ou à l’évolution des savoirs et des pratiques associés à « l’acte de vote » ; d’autre part, comment ces savoirs et pratiques s’articulent aux différentes formes d’activisme politique parmi les migrants dans le pays de résidence et/ou dans le pays d’origine.

Cette proposition soulève plusieurs questions en lien avec les campagnes électorales, les profils des candidats, et le travail de député à l’étranger. Dans quelle mesure la création de circonscriptions extraterritoriales s’accompagne de la reproduction ou du renouvellement du profil des candidats et des élus ? Quels types de compétences, d’outils, et de capital politique sont mobilisés lors des campagnes électorales à l’étranger ? Les élections à l’étranger permettent-elles à des acteurs « locaux » de reconvertir leur capital militant dans un nouveau champ politique ? Avec quel programme, quels objectifs, et quels résultats ? Quelles sont les spécificités des rapports que les députés de l’étranger entretiennent avec leurs circonscriptions et leurs électeurs ?

Pour répondre à ces questions, cette proposition s’appuie sur du matériel électoral collecté sur Internet et en Île-de-France depuis 2011 (liste de candidats, programmes politiques, etc.) et sur une série d’entretiens réalisés de 2013 à 2015 avec les députés tunisiens de l’étranger et avec des activistes tunisiens en France. Le cas des deux élections tunisiennes de 2011 (Assemblée constituante) et de 2014 (Parlement) offre des pistes d’analyse diachronique stimulantes pour suivre la genèse de ces nouveaux espaces politiques que sont les circonscriptions extraterritoriales et pour comprendre l’articulation entre les logiques (trans)nationales et locales.

 

Le militantisme économique des ressortissants sénégalais de Paris et New York

Ilka VARI-LAVOISIER (Post-doctorante - Center for the Advanced Study of India – University of Pennsylvania - États Unis)

Le rôle politique clé joué par les migrants fait l’objet d’une attention scientifique accrue, comme en témoigne la foisonnante littérature sur les social remittances (Levitt, 1998, 2001). Un nombre croissant de travaux s’intéresse ainsi aux idées et pratiques, notamment politiques, que les migrants contribuent à faire circuler le long de leurs trajectoires (Kapur 2010, 2014 ; Lafleur 2013 ; Fargues 2010 ; Levitt and Rajaram 2013 ; Piper 2009 ; Sasse 2013 ; Tabar 2014). De façon symptomatique, cette littérature reproduit toutefois une « vision des mondes hostiles » (Zelizer 2005) qui oppose transferts « économiques » et « sociaux », flux matériels et immatériels.

Cette communication relève le défi épistémologique d’analyser comment les capitaux économiques des migrants participant directement de leur pouvoir politique. Mobilisant trois sources de données – données du recensement, enquête quantitative transnationale et enquête qualitative multi-sites – cette communication analyse le rôle politique des ressortissants sénégalais vivant en France et aux États-Unis. Cette combinaison de sources permet de montrer qu’à travers leurs transferts économiques, les migrants réactualisent des relations sociales transnationales au sein desquelles circulent des façons de voir et des façons de faire (ou social remittances). Le terrain ethnographique permet d’étudier la partition singulière jouée par certains migrants qui renégocient le pouvoir politique de l’argent, en développant des stratégies discursives ingénieuses.

L’analyse de ce corpus de données montre ainsi l’intérêt de désinsulariser l’étude des pratiques politiques des migrants en mobilisant les outils analytiques de la sociologie économique relationnelle (Zelizer 2005, 2012 ; Crossley 2013). Réciproquement, ce travail met en évidence la façon dont les études migratoires peuvent significativement contribuer au développement de champs aussi prometteurs que celui de la sociologie relationnelle – et plus largement au dynamisme des sciences sociales contemporaines.

 

 

 

 

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